26 septembre 1970
Cher Monsieur,
Comment voulez-vous être assuré de votre talent à vingt-trois ans ? Rimbaud était Rimbaud avant, sans doute ; mais Joseph Conrad, et Proust, et Balzac, et même quelques-uns des plus grands poètes ? La création est la même aventure dans le succès que dans la solitude ; le premier est plus agréable, c’est tout.
Cela dit, j’envoie votre poème à mes amis de la Nouvelle Revue Française, en leur demandant de vous répondre directement. S’ils le publient, tant mieux. S’ils ne le publient pas mais désirent rester en liaison avec vous, soit ; s’ils l’écartent, ça n’a aucune importance. La question se pose entre vous et vous. Un poète est un chercheur de trésors, et le seul “conseil” qui puisse lui être donné est : ne vous découragez jamais.
Veuillez croire à tous mes vœux pour votre destin, cher Monsieur, et à la grande sympathie que m’a inspirée votre lettre,
André Malraux
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André Malraux (1901-1976) est l’un des écrivains les plus emblématiques de la littérature française. Bien qu’également aventurier et homme politique, il n’en oublia jamais l’état de grâce qui touche l’artiste lorsqu’il crée. A un jeune poète probablement découragé, il répond par une lettre empreinte d’espoir et de motivation. Un bel encouragement pour tous ceux qui rêvent de devenir les grands écrivains de demain !